Coupable ou victime ?


Les conventions internationales se distinguent des autres textes normatifs par leur caractère « contractuel ». Elles traduisent la volonté de chaque Etat signataire de respecter les termes d’un traité. Ceci nous interpelle sur le comportement de l’Etat haïtien à l’endroit des engagements contractés à l’échelle internationale. Nos dirigeants ont la main légère lorsqu’il s’agit de signer des conventions, mais  celles-ci ne semblent emporter pour eux qu’une obligation de ratification et de publication. Une fois parues dans Le Moniteur, elles tombent dans l’oubli.

De toutes les conventions internationales que nos dirigeants ont signées puis inhumées, celle  relative aux droits de l’enfant mérite une attention particulière. Vingt-et-une années après la publication de ce traité, des milliers d’enfants  en moyenne âgés de dix ans vivent encore dans les rues. Plus de deux décennies après sa ratification, elle n’a nullement été appliquée pour freiner ce fléau. Or, vu le contexte socio-politique actuel, marqué par un déchaînement de la criminalité dans notre société, les dispositions  de la Convention internationale des droits de l’enfant du 20 novembre 1989 devraient attirer l’attention et porter à la réflexion.


D’entrée de jeu, le préambule du texte interpelle : « l'enfance a droit à une aide et à une assistance spéciales» et ce « en raison de son manque de maturité physique et intellectuelle ». Cette assertion ne fait que corroborer un fait scientifique : l’enfance est une période d’apprentissage, au cours de laquelle se constituent les bases de la personnalité de l’être humain. « C’est l’époque où se définissent les structures psychologiques qui, au cours de la vie, serviront de fondement à l’adaptation», affirment Richard Cloutier, Pierre Gosselin et Pierre Tap dans «Psychologie de l’enfant ».  Indépendamment de la théorie du développement choisie, il est clair que le conditionnement d’un enfant détermine son devenir. Forte de cette réalité, la Convention Internationale des droits de l’enfant prescrit diverses mesures pour assurer aux petits un sain développement.

Tout d’abord, elle décrit l’environnement dans lequel les Etats signataires doivent veiller à ce que l'enfant évolue. Tout être humain de moins de dix-huit ans, « pour l'épanouissement harmonieux de sa personnalité, doit grandir dans le milieu familial, dans un climat de bonheur, d'amour et de compréhension ». Or, la rue est tout ce qu'Haïti offre à des milliers de ses enfants, un milieu infernal où leur est refusé le développement harmonieux auquel ils ont droit en tant qu’êtres humains. Ces enfants, privés de leur environnement familial pour des raisons variables, ne bénéficient d’aucune aide spéciale de l’Etat, alors que l’article 20 assujettit le gouvernement à l’obligation de leur venir en aide. Ils sont exposés à toutes sortes d’abus, de violences, de brutalités, sans que cela ne suscite une intervention notable des autorités. Pourtant, à l’article 34 de la Convention, celles-ci se sont engagées à les en protéger. Les droits à l’éducation et à la santé que leur reconnaissent les articles 24, 28 et 29 sont également de pures abstractions. Aucune mesure efficace n’est prise pour en assurer la concrétisation.
Comment s’attendre alors à ce que les enfants des rues, ces petits laissés pour-compte, deviennent de bons citoyens, conscients d’appartenir à une communauté au développement de laquelle ils doivent travailler ? Autant écraser une chrysalide et s’attendre à ce qu’elle mue en papillon. Les enfants des rues, qui ont pour jouets des armes et qui sucent de la drogue au lieu de bonbons, deviennent les adultes qui abattent froidement nos intellectuels, nos sœurs, nos frères et nos cousins.  A tout nouveau crime, à chaque nouveau corps troué de balles,  nous poussons les hauts cris, nous sollicitons la condamnation des criminels. Mais lorsqu’un homme qui a grandi une arme à la main, qui a toujours survécu au lieu de vivre, tue pour manger, boire, se vêtir, et qu’un juge le condamne aux travaux forcés à perpétuité, est-il un coupable ou une énième victime de notre société ?


Gerdy Ithamar Pierre-Louis

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